Lettre d’André Gide à Chambrun de Tabibe, du 13 janvier 1930, envoyée de Paris, 3 feuillets dactylographiés sans signature autographe.
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Détails
Cette lettre est la plus complète de celles présentes dans la correspondance Gide-Chambrun de Tabibe, c’est la plus longue aussi ; Gide y annonce l’envoi de son Robert. Cependant, ajoute-t-il, il ne s’abuse d’aucun « espoir ». Il doute, en effet, « qu’il puisse trouver amateur en Amérique ». Est-il « même souhaitable » de le donner à quelque revue « disposée de l’accepter » [?] Paru, en deux fois dans La Revue hebdomadaire [voir ce nom], il a « déjà soulevé de vives polémiques ». Gide est d’avis que les « questions religieuses et morales, si actuelles en France, et brûlantes », ne sauraient passionner « les esprits d’autres pays ». Aussi, « pour un médiocre profit matériel immédiat », serait-il « fâcheux » de compromettre l’avenir. Car, ajoute-t-il, il sent sa « position littéraire en Amérique, et en Angleterre fort peu assurée ». Il ne dissimule pas que son École des femmes « a vivement déçu les lecteurs que Les Faux-monnayeurs [lui] avaient acquis ; on a pu y voir un retour en arrière, à des formes timorées du roman ». Gide croit donc « qu’il faudrait éviter tout ce qui pourrait contribuer à affermir cette opinion, et à [le] faire passer aux yeux du lecteur du Nouveau Monde pour auteur "vieux jeu" ». Mme Simon Bussy, que Gide a récemment rencontré, croit que « le plus opportun, étant donné qu’il ne peut être question de faire paraître présentement [ses] mémoires, Si le grain ne meurt, susceptibles de révolter le service de moralité publique [voir à ce propos, la référence, infra Court of the City of New York, cote I-01 [Jugement, en anglais, du 22 janvier 1936, rendu au nom du Peuple de New York, par Nathan D. Perlman, Président] serait de donner à présent, aussitôt après L’Immoraliste qui doit bientôt paraître un volume composé de divers essais, extraits de [ses] volumes critiques : Prétextes, Incidences, etc... ». Les paragraphes suivants concernent les relations de Gide avec Bradley et les moyens d’harmoniser les intérêts de cet agent avec ceux qui découlent de la relation avec Chambrun. Par ailleurs, Gide regrette de n’avoir donné la primeur à des revues américaines à propos de sa lettre sur Henry James. C’est qu’il avait été « pressé par La N. R. F., et le temps [lui] a manqué » pour les communiquer prioritairement à l’agent. Or ses considérations, nous apprend-il, « ont soulevé l’indignation de certains critiques qui veulent y répondre ». Aussi Gide espère que Chambrun puisse trouver preneur à New York. En conclusion, il proteste vigoureusement contre le sort fait à son Enfant prodigue, paru dans la Yale Review. Il demande à Chambrun « d’examiner,... avec grand soin » ledit texte. [Gide joint à sa lettre la traduction telle qu’elle a été publiée dans la revue]. Un des amis y a inclus ses annotations. Ce dernier l’engage à s'élever « publiquement contre les scandaleuses mutilations que cette respectable revue a fait subir à [son] petit ouvrage". Cet écrit, rappelle Gide, "est déjà un classique en Allemagne, on en imprime présentement une édition du texte français annoté, à l’usage des classes supérieures des Gymnases allemands et ne vaudrait que par sa perfection ». « Tout y est indispensable », note-t-il, et « la moindre suppression le dénature et risque d’en rendre la totalité incompréhensible. Il est d’ailleurs absurde de le présenter comme a story ». Bref, Gide entend que Chambrun fasse paraître, quelque part, une protestation solennelle « contre cet abus qu’[il] estime,... très préjudiciable ».
Fondation Catherine Gide