Lettre à André Gide, du 3 juillet 1931, envoyée de Paris, « 11, rue Cluzel, Paris 9e », 3 feuillets ms. R/V.
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Apparemment Gide n’a pas répondu à la missive précédente. Alex Mordo, quelque peu inquiet, abonde dans une sorte de dénigrement — il se demande pourquoi l’écrivain s’est intéressé à une personne sans intérêt comme lui — quoi qu’il reconnaisse avoir beaucoup évolué depuis le temps où il lui écrivait de Constantinople. S’analysant, Mordo avoue chercher un équilibre entre des « forces, des tendances » qui travaillent à se neutraliser réciproquement. Il est préoccupé par les « banalités, les fadaises, les ennuis de la vie courante » et autour de lui personne qui aime vraiment la littérature. Il en est « exaspéré ». Il regrette de n’avoir, à Paris, de camarade de la valeur du « cher Émile » et déplore d’être enfoncé jusqu’au cou dans une « société bourgeoise qui [lui] tape sur les nerfs ! ». C’est ensuite une longue interrogation sur la grisaille qui l’entoure. Le jeune homme est assez lucide du reste pour reconnaître que son style lourd l’empêche de s’exprimer plus clairement et plus concisement. Il en vient au problème de l’idéal et du désir. Il ne veut pas sacrifier le premier, mais le second le torture et continue à l’aveulir. Il sait, avoue-t-il que, sortant, cette nuit, il irait vers lui en « automate, en marionnette ». Il attribue au « vice », au « diable », ses faiblesses. Et sa plus récente « mésaventure » n’a pu que le conforter là-dessus. Il vient de lire Si le grain ne meurt et il a pris un plaisir, un intérêt tels qu’il a mis de côté son bachotage. Il se prépare aux épreuves orales d’histoire et de géographie. Pris de remords en fin de lettre, Alexandre Mordo se demande s’il a bien fait d’avoir entr’ouvert le voile sur sa « seconde vie ».
Fondation Catherine Gide