Lettre à André Gide, du 10 juin [19]37, envoyée de Paris, « 25, rue Tournefort, Paris 5e », 7 feuillets ms.
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La rencontre a donc eu lieu, rue Vaneau, et l’auteur de la lettre raconte sa fébrilité, narre par le menu son ascension vers l’appartement de son « cher maître » ; enfin le voici devant lui, heureux et désemparé. Que Gide excuse, dit-il, son émoi et ce qu’il y a d’exagéré dans sa ferveur. Il est né, raconte-t-il, dans une famille nombreuse, douze frères et sœurs. Son père était d’une froideur glaciale, professeur de droit constitutionnel, membre du Parlement, mais n’adressant jamais la parole à ses enfants au point d’en ignorer le nom, voire même la physionomie. Quant à sa mère, c’est « une femme pleine de pudeur et de réserve ». Cependant, malgré la rigidité du milieu, il a pu être libre, d’une liberté qu’il n’a su exploiter à meilleur escient. Et son père a dû penser de lui qu’il est, selon « la formule de Stendhal dans Lucien Leuwen, "un créancier donné par la nature" ». Au cours de cette rencontre, nous apprenons que Gide a reproché à son admirateur de n’être venu le voir plus tôt. Et Sheng d’expliquer que, pour lui, Gide, « c’est comme quelque chose qu’on admire, qu’on contemple, mais qu’on hésite de toucher ». Que Gide fasse de lui ce qu’il voudrait ! Sheng accepterait d’en être le domestique ; il « pourra[it] être aussi compétent qu’un autre [dans ce domaine] ». De toute façon, il serait « trop heureux d’être utile pour quoi que ce soit ».
Fondation Catherine Gide