Lettre à André Gide, du 10 novembre 1947, envoyée de Pékin [National Tsing Hua University], 4 feuillets dactylographiés
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Sheng a reçu la dernière lettre de Gide ; celui-ci lui a dit qu’il a été très fatigué et qu’il a décidé d’aller en Suisse afin de s’y reposer. Lui, Sheng, habite désormais à Pékin où il enseigne à l’Université. Il y est heureux. Il y habite seul, sa femme et ses enfants vivant chez les parents de cette dernière. Il décrit le campus et les bois au milieu desquels elle a été érigée. Il évoque un de ses anciens maîtres, le professeur Robert Winter qui, le premier, l’a guidé vers Racine et Gide. Et c’est sous sa direction qu’il a soutenu sa thèse d’habilitation, avec, comme sujet, son étude sur Les Faux-monnayeurs. À présent il n’enseigne que la littérature française, heureux d’avoir quitté Shangaï, « ville purement commerciale et bruyante ». Il fait l’éloge de Pékin, de la bibliothèque universitaire qui possède un important contingent d’ouvrages d’auteurs français. Un jour, dit-il, il abandonnera l’enseignement pour se consacrer à une de ses vieilles ambitions : écrire ses propres textes. Nous apprenons que Gide rêvait de se rendre en Chine, et il en avait exprimé l’intention dans une lettre qu’il avait adressée à Sheng, « huit années » auparavant. Mais, tempère Sheng, la guerre est désormais civile en Chine. L’état de l’économie est désastreux et l’inflation atteint des records. Son salaire ne peut lui octroyer, désormais, qu’un bol de riz. Il tend à croire que la crise chinoise est davantage due à des problèmes internes qu’à des facteurs internationaux comme d’aucuns l’accroient. « Le peuple souffre, les intellectuels souffrent ». Face à ces difficultés, Sheng demande que Gide lui offre un abonnement au Figaro littéraire afin que le niveau de ses informations sur la vie culturelle française puisse se maintenir.
Fondation Catherine Gide