L’amitié à l’œuvre : Gide & Malraux

Ambre Philippe

Un objet superbe, un sujet passionnant : est-ce exagéré de présenter ainsi le dernier livre de Jean-Pierre Prévost, André Gide, André Malraux, L’Amitié à l’œuvre ? Si cet ouvrage semble si réussi, c’est parce qu’il est le résultat d’un travail à plusieurs : le choix du sujet, la recherche iconographique et la plongée dans les archives, le travail de l’équipe éditoriale et la conception graphique irréprochable, la fabrication, le papier : tout concourt à donner envie de se rapprocher de Gide et Malraux, et de s’embarquer dans leurs lettres. Parler de ces deux hommes, c’est surtout raconter deux écrivains, dont les chassés-croisés permettent de replonger dans une autre époque, porteuse néanmoins d’idées actuelles. C’est aussi accéder aux coulisses d’une amitié à la fois vécue au milieu des autres — voire sous les projecteurs — et dans l’intimité. On ne peut que laisser sa tablette pour retrouver le plaisir du livre qui, au delà d’apprendre et de revivre, est aussi de toucher. 

André Gide, André Malraux, L’Amitié à l’oeuvre, 1922-1951, Paris, Fondation Catherine Gide et Gallimard, 2018.

Un projet sous le regard d’Alban Cerisier
Une réalisation de Jean-Pierre Prévost
Une préface signée Peter Schnyder
Une animation-papier de la vie des deux hommes grâce aux recherches d’Éric Legendre, Marie-Noëlle Ampoulié, à l’œil d’Anne Lagarrigue, aux mains d’Hélène Arnaud et Martin Corbasson.
Un objet confié à Caroline Artémon, suivi par Amélie Airiau, sous les soins de Dominique Guillaumin à l’imprimerie charentaise maritime Pollina.
Une collaboration Fondation Catherine Gide / Gallimard.

Présentation

André Gide et André Malraux ont fait connaissance en mai 1922, à la suite de la publication par ce dernier d’un article consacré à l’œuvre de son aîné et à son impact sur la génération nouvelle. L’auteur de Paludes et des Caves du Vatican est impressionné par cet admirateur talentueux, aux vues originales et pénétrantes. Il s’avère de plus qu’il a le sens de l’aventure et que c’est un homme de goût, en art comme en littérature. Aussi se réjouit-il de le voir figurer bientôt parmi les écrivains proches de La NRF ; et il l’autorise à publier une version illustrée du Roi Candaule à l’enseigne des Aldes, sa maison d’édition. Entré chez Gallimard comme directeur artistique et membre du comité de lecture en 1928, André Malraux devient l’éditeur des Œuvres complètes d’André Gide et de très belles rééditions illustrées de ses premières œuvres. 

Cette amitié littéraire et éditoriale se double au début des années 1930, d’un engagement commun contre le fascisme, dans le sillage du communisme soviétique. Sans adhérer au Parti, André Gide et André Malraux, prix Goncourt 1933, président ensemble les grands congrès antifascistes de 1933 à 1936. L’un et l’autre font le voyage à Moscou ; André Gide prononce l’oraison funèbre de Maxime Gorki en 1936 sur la place Rouge, aux côtés de Staline. Mais on connaît la désillusion lucide et sans appel du Retour d’URSS, qui marque chez André Gide la fin de ce compagnonnage ambigu. André Malraux, pour sa part, s’engageant corps et âme dans le combat auprès des Républicains espagnols.

Les deux hommes restent proches au début de l’Occupation ; ils se côtoient sur la Côte d’Azur, avant que Gide ne s’embarque pour l’Afrique du Nord et que Malraux ne s’engage en 1944 dans le combat armé contre l’occupant. Plus espacées jusqu’à la mort d’André Gide en 1951, leurs rencontres — la plupart du temps au Vaneau — restent placées sous le signe d’une chaleureuse amitié, qui n’exclut pas un jugement croisé, et sans complaisance, sur l’évolution et la signification générale de leur œuvre. Littérature, art, morale, politique et Histoire : voilà une amitié à l’œuvre. 

Cet album, abondamment illustré, réunit de nombreux documents inédits ainsi que la correspondance échangée entre les deux écrivains.