Victoria Ocampo et André Gide
Paraît aux éditions Classiques Garnier, dans la collection dirigée par Peter Schnyder « Bibliothèque gidienne », l’ouvrage Victoria Ocampo et André Gide, édité, présenté et annoté par Martine Sagaert et préfacé par Silvia Baron Supervielle.
En frontispice, figure la magnifique photo de Victoria Ocampo lisant Retouches à mon Retour de l’U.R.S.S., prise par Gisèle Freund à Buenos Aires en 1944. Après une chronologie (de la naissance de Victoria Ocampo à la mort de Gide), la préface est signée par l’écrivaine franco-argentine Silvia Baron Supervielle — par ailleurs auteure du récit La Langue de là-bas (Seuil, 2023) et d’un volume consacré à Vert paradis et autres récits de Victoria Ocampo (Vendémiaire, 2023). Ensuite, Martine Sagaert — par ailleurs éditrice de plusieurs œuvres de Gide, dont le Journal, dans la « Bibliothèque de la Pléiade » — suit Victoria Ocampo et André Gide « à la croisée des routes ».
Figure argentine majeure du XXe siècle, à la fois auteure, éditrice, traductrice (elle parle le français et l’anglais dès son plus jeune âge) et mécène, Victoria Ocampo (1890-1979) connaît bien l’œuvre d’André Gide (1869-1951). Elle l’a interprétée, elle l’a publiée, elle l’a fait traduire. Et elle n’a cessé de dialoguer avec Gide par œuvres interposées.
Outre les lettres échangées entre eux en français (conservées à la Fondation SUR de Buenos Aires, à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet et à la Fondation Catherine Gide), le présent ouvrage rassemble en espagnol et en français — dans la traduction de Mariane Millon — la préface que Victoria Ocampo a écrite pour Regreso de la U.R.S.S. (Retour de l’U.R.S.S.) et deux textes qu’elle a publiés à Buenos Aires, dans la revue SUR, l’un en 1935, Al margen de Gide (En marge de Gide), l’autre en 1951, Encuentro y desencuentro con Gide (Accords et désaccords avec Gide). S’y ajoutent en annexe des documents inédits, la plupart issus de la Fondation Catherine Gide.
Cet ouvrage permet une connaissance approfondie de la créatrice de la revue SUR et met en lumière des pièces majeures de la réception de l’œuvre de Gide en Amérique latine.
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Ce devait être le plus beau moment du printemps, car je me rappelle un énorme marronnier d’Inde avec son beau costume bordé de blanc. Un marronnier qui se trouvait dans un jardin intérieur, sous la fenêtre de la chambre de Tagore, de passage à Paris en 1930. Gide lui rendit visite un après-midi dans cette chambre ordinaire, sans autre attrait que le spectacle de l’arbre radieux. Les deux écrivains se voyaient, je crois, pour la première fois. Tagore arborait ce jour-là plus que d’habitude son port de tête de guanaco, un guanaco dont l’allure altière irradiait cependant la douceur. Vêtu de blanc (ma fidèle et infatigable Fani s’était donné du mal pour repriser et laver sa tunique usée mais resplendissante, grâce à elle), il s’avança à la rencontre du visiteur avec son allure royale, si personnelle, accentuée par ses vêtements flottants. Gide, comme un papillon noir, une chauve-souris ou un vampire, neutre et voyant à la fois, enveloppé dans une cape « couleur muraille » (quand le temps a noirci les murs de pierre), parut arrêter le vol qui l’avait conduit à nous. Les deux hommes se saluèrent chaleureusement. Ombre et lumière.
Extrait du texte de Victoria Ocampo Encuentro y desencuentro con Gide / Accords et désaccords avec Gide (traduction : Marianne Millon).
« Un livre ne m’intéresse vraiment que si je le sens né d’une exigence profonde et que si cette exigence peut trouver en moi quelque écho. » Je ne pourrais pas exprimer mon sentiment de façon plus concise. Et il est impossible de ne pas entendre cette exigence profonde dans toute l’œuvre de Gide. Si elle ne trouve pas toujours un écho en moi, je reconnais au moins toujours son timbre.
Extrait du texte de Victoria Ocampo, Al Margen de Gide / En marge de Gide (traduction : Marianne Millon).