David Maes : “Offrandes inégalables”
Depuis 2010, le musée d’Uzès a le plaisir de s’associer à la biennale de l’estampe organisée par l’association SUDestampe dans divers lieux du Gard.
Cette année notre invité est David Maes, peintre et graveur de renommée internationale (ses œuvres figurent dans les collections de la BNF et de nombreux musées français et étrangers), qui a longtemps vécu en Uzège.
Il a choisi d’investir la salle Gide pour y présenter ses estampes spécialement réalisées pour l’exposition, librement inspirées par deux livres d’André Gide : Thésée et Et nunc manet in te.
À partir de ce dernier texte, consacré à la mémoire de Madeleine Gide, l’épouse de l’écrivain, David Maes s’attache à la trop discrète figure de celle qui écrivit à son mari :
« Ma part a été très belle. J’ai eu le meilleur de ton âme, la tendresse de ton enfance et de ta jeunesse. Et je sais que, vivante ou morte, j’aurai l’âme de ta vieillesse. »
L’inauguration de l’exposition s’inscrit dans la « miNuit Blanche » proposée par l’association « Et Alors l’Art », le vendredi 30 septembre 2016 : un parcours nocturne dans les rues d’Uzès, pour découvrir différentes propositions artistiques (concerts, installations, actions théâtrales…).
David Maes à propos des gravures présentées au musée Georges Borias :
Brigitte Chimier, conservatrice du musée Georges Borias, m’a proposé de réaliser une série de gravures en relation avec l’œuvre d’André Gide. Ce sont ces gravures que je présente au musée dans le cadre de la biennale de l’association SUDestampe et de la manifestation miNuit Blanche à Uzès.
Deux livres de Gide ont attiré mon attention, Thésée (1946) et Et Nunc Manet in Te (1951).
Le thème du sacrifice parcourt ces deux livres, et c’est à partir de ce thème que j’ai choisi de travailler. Sacrifice compris dans sa double acception : celle de l’offrande faite à une divinité, celle du renoncement volontaire à quelque chose ou à quelqu’un.
Offrande
Dans Thésée, Gide bâtit un récit autour de ce personnage complexe de la mythologie grecque. Thésée est celui qui réussit à tuer le Minotaure, ce monstre possédant le corps d’un homme et la tête d’un taureau, né des amours de Pasiphaé et d’un taureau blanc envoyé par Poséidon. Le Minotaure fut enfermé par le roi Minos dans le labyrinthe, situé à Cnossos (Crète) et conçu par Dédale, afin qu’il ne puisse s’en échapper et que nul ne découvre son existence.
Lors d’une guerre provoquée par la mort d’un des fils du roi Minos, Athènes est affamée par un terrible siège qui ne prend fin qu’à partir du moment où les Athéniens proposent à Minos de choisir le tribut qu’il veut pour le lever. Minos exige alors que tous les neuf ans, Égée, roi d’Athènes et père de Thésée, lui livre sept jeunes hommes et sept jeunes femmes qui seront sacrifiés au Minotaure. Thésée se porte volontaire.
C’est à partir de cette histoire de sacrifice de quatorze jeunes personnes que j’ai choisi de réaliser quatorze portraits de jeunes gens que je connais ou que j’ai eu l’occasion de croiser. Une partie de cette série de portraits occupe un des murs de la salle André Gide. Parmi ces portraits se trouve une gravure du Minotaure que j’ai réalisée en 2002 pour l’exposition « Le Minotaure » qui a eu lieu à la Chapellle des Jésuites à Nîmes.
Renoncement
Face à ces portraits se trouve un grand triptyque : I am a Wonder : Among Flowers. Cette gravure est dédicacée à Madeleine Gide, femme d’André Gide et le sujet de Et Nunc Manet in Te (ce titre est tiré d’un poème de Virgile, le Culex, et signifie « Et maintenant elle survit en toi »). Écrit peu après la mort de Madeleine, Et Nunc Manet in Te apparaît comme une sorte de confession dans laquelle Gide dresse le portrait de sa vie conjugale, son côté « impossible » dû à son homosexualité. Pour cette raison, mais pas seulement, Madeleine a passé sa vie dans une forme de renoncement au point où elle en devient presque absente.
I am a Wonder : Among Flowers n’est pas un portrait de Madeleine, mais une tentative de lui donner une certaine présence dans cette salle dédiée à son mari.