La Correspondance Gide–Giono

Justine Legrand

En septembre 2012 a paru, dans la collection « Hors série de la Revue Giono », la nouvelle édition de la Correspondance André Gide – Jean Giono 1929-1940. C’est grâce à l’Association des amis de Jean Giono que cette réédition de 120 pages, dont la première datait de 1983, établie et annotée par Roland Bourneuf, Jacques Cotnam et Jacques Mény, a pu voir le jour.

Particulièrement bien réalisée, cette Correspondance est composée d’une introduction qui reprend les points essentiels des cinquante et une lettres qui constituent cet ouvrage. De la part de Gide à Giono, nous comptons vingt-cinq lettres, dont deux télégrammes personnels, un télégramme collectif (Gide, Malraux et Aragon à Giono), et trois cartes postales. De Giono à Gide, il y a vingt-cinq lettres. À la suite de cette correspondance, nous trouvons six photographies montrant Gide et Giono à Lalley en juillet 1935, et quelques documents (notamment des autographes). Viennent ensuite onze lettres annexes (numérotées de a à k), une bibliographie gidienne, et enfin, des extraits du Journal de Gide, et les notes. Ajoutons qu’une table des correspondances permettant de faciliter une étude comparative des deux éditions se trouve en fin d’ouvrage.

L’introduction rédigée par Roland Bourneuf établit dès le départ le type de relation qui unissait les deux écrivains. Ainsi, nous apprenons que Gide n’était pas un maître pour Giono, même s’il a « parfois joué le rôle de guide ». En effet, c’est Gide qui fit le premier pas en envoyant la lettre du 5 mars 1929, faisant suite à leur rencontre « au cours d’un dîner chez André Chamson, un soir de la seconde semaine de février 1929 »

Au fil de notre lecture, nous constatons que cette correspondance ne fut pas linéaire et qu’elle connut quelques silences. La première résultant de la « crise morale » que traversa Jean Giono, marquant une pause de 1930 à 1934. Une autre rupture de décembre 1937 à novembre 1939 fait jour, et coïncide avec la mort de Madeleine et de multiples voyages gidiens en Afrique. Mais ce qui est frappant, c’est que malgré ces silences et ces distances prises par chacun des deux hommes, Gide éprouva une véritable inquiétude lorsque Jean Giono fut arrêté lors de la Seconde Guerre mondiale, le 14 septembre 1939. Ce qui explique pourquoi Gide fit parvenir une lettre à Daladier, tentant une libération de son ami. Libération qui survint le 11 novembre 1939.

On remerciera les trois auteurs (dont le défunt Jacques Cotnam à qui Roland Bourneuf rend un bel hommage en début d’ouvrage) de cette réédition qui, grâce à leur travail, a permis de remettre en lumière une de ces amitiés gidiennes dans laquelle nous plongeons avec délice, au travers de cette correspondance où se mêlent les aléas littéraires et politiques du temps des deux écrivains. Une amitié confirmée par le vibrant hommage de Giono à la mort de Gide, annexe i, hommage qui montre toute l’affection du cadet pour son aîné :

« Il lit. Je suis bouleversé par la beauté, l’humanité intelligente, la bonté majuscule [...] de ce qu’il a écrit. »