Dana, Emile, Lettre, 1930

Type de document
Lettre
Cote
I-05-b-4
Description

Lettre à André Gide, du 4 septembre ?, sans millésime, envoyée d’Aley, Liban, « Maison Hussein Jaber », 5 feuillets ms. R/V.

Détails

Auteur(s)
Expéditeur
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Date
Type de texte
Manuscrit
Notes

Dans cette lettre-fleuve, Émile Dana entreprend de faire le bilan de ses relations avec Gide ; il le fait surtout parce qu’il « essaie de mettre de l’ordre en [lui] et c’est très difficile ». Pour ce faire, il a besoin de retrouver « l’état d’esprit de l’époque ». L’époque, on l’imagine, c’est l’an de grâce de 1929, l’année où les choses se sont précipitées, les lettres envoyées de Constantinople, la rencontre à Paris et l’interdiction formelle faite par les parents pour l’éloigner de lui afin de le préserver d’une influence qu’ils jugeaient malsaine. Jamais, jure-t-il, il n’a été entamé par les « abominables calomnies » dont il est l’objet ; car la « vie privée » de l’écrivain ne le regarde guère et ne pourrait atteindre l’amour qu’il lui offre. Que du point de vue social on le combatte, c’est de bonne guerre et, du reste, écrit-il, « socialement on a raison ». Seulement, lui et Gide, ce « n’est pas la société ». Il évoque, dans cette confession, la terrible scène que son père lui a faite, à Paris, lorsqu’il a eu vent des rapports épistolaires avec lui. Scène pénible et ridicule, assure-t-il, entrecoupée de coups et de grandes envolées pathétiques, au cours de laquelle on l’obligea à reconnaître que « le mal » est en lui ; qu’il fallait l’admettre pour s’en repentir d’autant plus sincèrement. Le jeune homme avoue s’être plié aux représentations de son père dans le seul but d’obtenir la paix, mais à présent, lorsqu’il revient, en pensée, à ce théâtre, il est tantôt « furieux », ou tantôt « il se tord de rire ». En quoi était-il « anormal » et de « quoi se plaignait-on » [?]. Que ce simulacre de « repentir » ait satisfait son père a de quoi l’étonner : il ne peut oublier Gide ni ne le veut. Il rappelle, ensuite, la rencontre rue Vaneau et toute l’émotion rentrée en lui. Si seulement l’aîné lui avait écrit, il se serait précipité de nouveau chez lui, quels qu’aient été son désarroi et l’interdit promulgué par sa famille. Et, ces derniers temps, « l’idée [l’] assaillait souvent [que Gide] ne [devait] plus l’aimer du moment [qu’il] l’avait vu ». Les quelques lettres que l’écrivain lui avait envoyées par la suite lui avaient semblé condescendantes. Il en avait conçu de l’irritation, car il considérait ne point être estimé, en tout cas à hauteur de sa sincérité. Condescendance culminant au reçu des lettres d’un Alex Mordo lui contant les rencontres de Paris. Que par lui il ait appris que l’aîné ne voulût plus lui écrire lui est proprement intolérable. Alex Mordo ne peut se prévaloir de son amitié. Sans rejeter la sienne il s’était, objecte-t-il, arrangé pour que leurs relations n’excèdent pas ce qui est concédé dans un rapport cordial. Que l’autre pousse le mauvais goût de lui faire des condoléances de son crû à propos de la décision de Gide n’a pu qu’exacerber son antipathie et le pousser à cultiver, à son endroit, tantôt haine, tantôt indifférence. Il a trouvé très laid que l’écrivain fasse passer ainsi ses messages, lui qui l’aime et le porte au plus haut sommet qu’il puisse. Il réexamine la dernière Lettre où Gide lui a fait comprendre qu’« [ils] ne se retrouveront jamais plus ». Il avoue ne pas comprendre cette intention ; au surplus, que l’autre cesse de l’appeler « son petit ». Songe-t-il donc que, « très bientôt », il aura 17 ans [?] Si le passé l’émeut, il fait ce qui est en son pouvoir « pour s’en dégager ». Il suggère à Gide de « regarder plutôt devant [lui] — de ne pas [se] laisser impressionner par quoi que ce soit », car si « merveilleusement qu’il puisse avoir vécu », tout homme « se doit de rechercher une vie encore plus belle, à n’importe quel point de vue ». C’est pourquoi et bien qu’il n’ose « rien espérer de cette lettre », Dana assure Gide que dès lors qu’il voudrait l’atteindre, il le retrouvera, « comme aujourd’hui, comme maintenant ».

Crédits

Fondation Catherine Gide