Article du 18 décembre 1953, signé Maurice Garçon, dans le cadre d’une chronique intitulée « Le patrimoine des écrivains », 1 coupure de presse, 2 colonnes.
Archive non numérisée – en savoir plus
Détails
Maurice Garçon, de l’Académie française, souligne que la décision du contrôleur des Finances d’imposer « la succession d’un écrivain célèbre, soulève une grande émotion chez les grands écrivains ». Il revient sur le débat qu’entraîna, en 1946, l’établissement de l’Impôt de solidarité [Voir ce nom], pour déduire que « la question ainsi mise à l’ordre du jour n’est pas neuve ». Or la prétention du ministère, qui intéresse grandement les écrivain, n’a jamais été discutée. Comme l’Administration ne s’est pas heurtée à une protestation concertée, suit, en l’affaire, « de vieux errements ». Si pour ladite Administration, « l’œuvre d’un écrivain est soumise au droit de mutation », il n’en reste pas moins que « les mots propriété littéraire constituent une formule impropre ». Maurice Garçon soutient que la propriété littéraire est « un droit incorporel qui ne peut rentrer ni dans la catégorie des droits personnels, ni dans celle des droits réels ». Si le capital est, en vertu d’une doctrine consensuelle, une épargne, le droit d’auteur ne peut en exciper, et on ne saurait davantage l’assimiler à une rente viagère. « En réalité, le droit d’auteur s’apparente à la rémunération d’un travail, c’est-à-dire à un salaire ». Des législations étrangères, par exemple en Belgique et en URSS, ont légiféré dans ce sens. « En 1946, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs a émis le vœu qu’on prenne en considération le caractère aléatoire des droits d’auteur, qui ne constituent que la rémunération incertaine et passagère du travail des créateurs intellectuels ». Après avoir tourné en dérision le syllogisme de l’autorité fiscale qui veut voir dans la rémunération d’un travail intellectuel la formation d’un capital, le juriste se demande si les droits touchés sur un premier tirage par leurs auteurs serviraient au calcul, en absolu, de la valeur de l’œuvre à supposer que ces mêmes auteurs décèdent une fois leur premier titre publié ? Plus grave, « la prétention de l’administration peut mettre les héritiers devant une impossibilité matérielle de payer ». En effet, si les auteurs, de leur vivant, dépensent ce qu’ils perçoivent, et d’abord pour vivre, « où [et comment] les héritiers trouveront-ils la trésorerie pour payer les droits de mutation sur un capital inexistant ? ». Aussi Maurice Garçon, une fois ses arguments analysés, déduit que « la théorie de l’administration demande à être revue et contestée ». On sait qu’en l’affaire Gide, les divers degrés de l’échelon judiciaire civil ne l’ont pas entendu de cette oreille.
Fondation Catherine Gide