Gide, André, Lettre, 1945

Type de document
Lettre
Cote
B-04-y
Description

Lettre d’André Gide à Herbert-Camille Lewandowki, du 3 novembre [1945], 1 feuillet dactylographié sans signature autographe. Lewandowski est un juif converti au catholicisme, d’origine polonaise, né en Allemagne et qui y a résidé jusqu’en 1922. Prévenu contre ce qu’il appelle « le prussianisme », il a émigré aux Pays-Bas à cette date, redoutant le déclenchement d’une guerre qu’il tenait pour certaine. Maintenant le contact avec Berlin, jusqu’à l’avènement du nazisme, il émigre en France en 1937 où il fait commerce de philatélie et ce jusqu’au déclenchement des hostilités en 1940. Lewandowski a connu Gide chez Magnus Hirschfeld, dont il était un « collaborateur ». C’est à cette occasion qu’il lui remit un exemplaire de sa « Sittengeschichte des Weltkriegs ».

Détails

Auteur(s)
Expéditeur
Date
Type de texte
Dactylographie
Notes

De Genève où il a trouvé refuge, le signataire conte sa douloureuse expérience de la guerre. D’abord volontaire étranger dans le 199e Régiment Régional, sa démobilisation a coïncidé avec le début des tracas. Apatride, mais considéré comme Allemand, il est en butte aux vexations et au harcèlement des douanes de Vichy qui l’accusent de ne pas déclarer ses importations de timbres en provenance de Suisse, alors que son comptoir philatélique a été saisi sur ordonnance administrative. Il doit quitter Lyon, car il se sent menacé d’emprisonnement pour une faute qu’il n’a pas commise et en raison des rafles antijuives qu’il redoute plus ou moins, ses origines, se fût-il converti, ne lui servant point de garantie, évidemment ! Il apprendra, plus tard, Lettre du 26 juin que les « boches [ne lui] ont pas laissé un bout de papier de [ses] manuscrits écrits entre 1919 et 1933 ; ils [lui] ont volé tout, tout, tout, tué [sa] vieille mère vénérée, [son] cher frère, [sa] tante, etc., etc. ». En son absence, la machine judiciaire fait son travail et un jugement correctionnel, en 1945, le condamne à une forte amende et à une peine d’emprisonnement pour défaut de présence lors de l’audience au tribunal. Entre temps, il a écrit une biographie de Gauguin et a d’autres projets, lui qui se proclame d’abord francophile et germanophone par nécessité. Il écrit, dans sa « Défense » que, « fréquentant le Gymnase à Cassel, [il] s’intéressait tellement à la littérature et à la science françaises [qu’il] traduisait comme écolier le roman Stella de Camille Flammarion et qu’[il] devenait membre de la "Société Astronomique de France" en 1913 ». Il demande donc à Gide de « le sauver des mains » de ses persécuteurs, gendarmes et douaniers, « qui pensent prendre une bonne revanche, sans regarder contre qui ils la prennent », lui qu’on « devrait honorer », plutôt que « détester ». Dans sa réponse, Gide exprime son « émotion » devant cette « douloureuse lettre,... et les pénibles renseignements qu’elle contient ». Il examine les moyens d’intervenir en faveur de son correspondant, mais il ne peut en dire davantage. Il conclut que « si quelque lueur d’espoir, à la suite de sa démarche » venait à poindre, il l’en « aviserait tout aussitôt ». Nous ne savons pas, si cette démarche a été entreprise et, au surplus, si elle a été couronnée de succès. L’autre lettre de Ledandowski [qu’il a transformé en Lee van Dovski] date du 20 juin 1946. Elle annonce l’envoi à Gide de son ouvrage en langue allemande « Schweizer Tagebuch eines Internierten », récemment paru. Il sollicite, si possible, une préface pour son « Gauguin » qui paraîtrait à Besançon, chez un certain Perret-Gentil, l’éditeur subordonnant cette publication à la production de ladite préface... Le signataire précise qu’il ne peut « rentrer en France à cause d’une misère familiale ».

Crédits

Fondation Catherine Gide