Au cours des dernières années, les rapports entre la littérature et le règne animal ont fait l’objet de nombreuses études. Certaines s’insèrent dans un champ de recherche né dans les années 2000, la « zoopoétique », mot emprunté à Jacques Derrida, qui désigne une variante (plus spécifique) de l’écocritique. C’est à Anne Simon, directrice de recherche au CNRS, que l’on doit son invention, ainsi que le développement du projet « Animots », situé à la croisée des sciences humaines et des sciences du vivant. La littérature regorge de récits dans lesquels l’animal tient un rôle de premier ordre, et la langue des écrivains miaule, rugit, jappe, barrit. D’où la nécessité, comme l’explique Anne Simon, d’« étudier les bêtes à l’intérieur de la littérature, et donc à l’intérieur des mots1 ». Son dernier ouvrage (Une bête entre les lignes. Essai de zoopoétique) est à la fois un texte théorique très dense, dont l’ambition est de faire le point sur ce que la littérature doit au monde animal, et une invitation à redécouvrir de grands auteurs de la littérature française2.
On chercherait en vain parmi les exemples cités le nom de Gide. Et pourtant, en assumant souvent la posture du naturaliste, il est connu que l’écrivain était loin d’être insensible au spectacle du vivant. Sur les rives de la Côte d’Azur, observant d’étranges animaux marins, Gide note dans son Journal : « J’étais émerveillé et plus ému que je n’aurais pu l’être par le plus beau paysage3. » Si la nature s’offre au regard comme un spectacle grandiose, elle est souvent également source d’enseignement. Rappelons que, dans Corydon, l’intérêt pour le monde animal est mis au service d’une cause, à savoir la défense de l’homosexualité, que Gide souhaite prouver scientifiquement. Mais c’est plutôt les perspectives ouvertes par les œuvres fictionnelles que je souhaite étudier dans cet article : peut-on parler d’un bestiaire gidien ? Quelles créatures peuplent ses récits ? Le sujet a retenu l’attention de la critique de manière très marginale. Il faut signaler la publication, dans un ancien numéro du Bulletin des Amis d’André Gide, de l’article de Sandra Newman « La nature et la fonction des animaux dans le drame et la prose d’imagination d’André Gide de 1891 à 19014 ». Si elles concernent une période nettement délimitée – selon un critère chronologique et générique –, l’analyse et l’interprétation proposées par l’auteure invitent à creuser davantage le sujet. Il faut également se souvenir, dans ce contexte, de l’essai André Gide and Curiosity, publié en 2009. Gide possède le « don » d’explorer le monde, y affirme Victoria Reid. Son amour de la vie et son sens de l’observation innervent profondément, et à différents niveaux, son écriture5. Un aspect sur lequel je vais revenir, en explorant l’œuvre fictionnelle de l’écrivain à la recherche de quelques spécimens propres à susciter l’intérêt des lecteurs.
Des animaux de toute taille : passions d’enfance & souvenirs de lecture
Le monde des insectes attire irrésistiblement le jeune André au cours de ses promenades en compagnie d’Anna Shackleton, sa gouvernante. Ce sont les coléoptères qui suscitent surtout sa curiosité, raconte-t-il dans Si le grain ne meurt. En entomologiste-bourreau, il les asphyxie dans les vapeurs de benzine ou le cyanure de potassium6. Cet intérêt pour le microcosme, l’infiniment petit, accompagne l’écrivain tout au long de sa vie. Dans Les Nourritures terrestres, il affiche un goût manifeste à la fois pour l’observation et la classification : pas moins de cinquante espèces différentes sont répertoriées7 ! Sans négliger Les Nouvelles nourritures, où Gide s’interroge sur la douleur chez les hommes et les bêtes, réflexion née de la lecture d’un manuel d’histoire naturelle, en anglais, dont il ne se souvient plus du titre : « […] l’animal vit dans le présent, de sorte que le plus grand nombre de nos maux, imaginaires, habitant la représentation du passé (regrets, remords) ou l’appréhension de l’avenir, lui sont épargnés8. » Plus intéressant est le passage du texte concernant la transformation de la chenille en papillon, « énigme » inexplicable et métaphore – assez facile, il est vrai – du passage de l’homme de l’enfance à l’âge adulte. Souvent évoqué dans les fictions gidiennes, le papillon apparaît également dans La Symphonie pastorale en opposition aux oiseaux. Le pasteur essaie d’expliquer à l’aveugle Gertrude que les deux ont une manière différente de « raconter la joie », ce qui montre à quel point le naturel et le littéraire se recoupent :
Est-ce que vraiment, disait-elle [Gertrude], la terre est aussi belle que le racontent les oiseaux ? Pourquoi ne le dit-on pas davantage ? Pourquoi, vous, ne me le dites-vous pas ? Est-ce par crainte de me peiner en songeant que je ne puis la voir ? Vous auriez tort. J’écoute si bien les oiseaux ; je crois que je comprends tout ce qu’ils disent.
– Ceux qui peuvent y voir ne les entendent pas si bien que toi, ma Gertrude, lui dis-je en espérant la consoler.
– Pourquoi les autres animaux ne chantent-ils pas ? reprit-elle. Parfois ses questions me surprenaient et je demeurais un instant perplexe, car elle me forçait de réfléchir à ce que jusqu’alors j’avais accepté sans m’en étonner. C’est ainsi que je considérai, pour la première fois, que, plus l’animal est attaché de près à la terre et plus il est pesant, plus il est triste. C’est ce que je tâchai de lui faire comprendre ; et je lui parlai de l’écureuil et de ses jeux.
Elle me demanda alors si les oiseaux étaient les seuls animaux qui volaient.
– Il y a aussi les papillons, lui dis-je.
– Est-ce qu’ils chantent ?
– Ils ont une autre façon de raconter leur joie, repris-je. Elle est inscrite en couleurs sur leurs ailes… Et je lui décrivis la bigarrure des papillons9.
Le monde des insectes exerce sur notre auteur une fascination certaine, à condition de considérer que ce terme englobe deux sentiments, à la fois opposés et complémentaires : l’attirance et la répulsion. Car si Gide est sensible aux couleurs des ailes des papillons, il est aussi conscient que les petites bêtes peuvent représenter une menace… La jeune Gertrude vit dans la saleté et à son arrivée dans la maison du pasteur, l’on constate avec horreur qu’elle est « peuplée10 » de parasites. Dans L’Immoraliste, Michel s’attarde à dormir avec un groupe d’Arabes en plein air et ne revient à l’hôtel, au chevet de sa femme malade, qu’au petit matin, « couvert de vermine11 » (signe tangible de sa salissure morale). Quant à Amédée Fleurissoire, il se bat contre toutes sortes de nuisibles : puces, punaises et moustiques infestent son existence, pour le plus grand amusement du lecteur des Caves du Vatican12. D’ailleurs, n’oublions pas que l’organisation criminelle à laquelle appartient l’ambigu Protos, organisation à l’origine du faux enlèvement du pape, s’appelle « Le Mille-pattes » !
Soulignons ici que les aventures d’Amédée et des autres personnages de la sotie se déroulent essentiellement dans un décor urbain, comme c’est le cas d’ailleurs pour Les Faux-monnayeurs. Pas de place pour les animaux en ville, semble nous dire Gide, sauf pour ceux qui dérangent l’homme. Ou ceux en cage, comme les gorilles du Jardin des Plantes que Richard suggère au narrateur de Paludes d’aller voir13… On touche ici à un point essentiel : pendant son enfance, comme il le raconte dans ses Mémoires, Gide a vécu entre le monde citadin et la campagne, et a eu l’occasion de confronter les jardins publics de la ville avec ceux moins policés et ouverts sur l’extérieur de La Roque et Cuverville. Les deux se distinguent nettement et recouvrent dans les fictions une fonction symbolique évidente, évoluant au fil du temps, comme le relève Pierre Masson14. Si l'on focalise notre attention sur les animaux, il apparaît évident que c’est là où les arbres fruitiers arrivent jusqu’aux fenêtres de la maison, où la serre côtoie le potager, où l'on défroisse à la fois l’esprit et la terre, que la vie grouille. Dans le trafic et le brouhaha métropolitain, on entend tout au plus un miaulement lointain, qui ressemble à un vagissement d’enfant – l’association est, bien sûr, révélatrice15. Dans une maison plongée au milieu de la nature, en revanche, les portes ne sont jamais fermées, dehors et dedans communiquent en permanence. Dans Isabelle, Terno, un « énorme chien de Terre-Neuve », va-et-vient entre la remise et le château, veillant sur le petit Casimir. En été, le petit Robert – futur mari d’Évelyne dans la trilogie de L’École des femmes – caresse les chiens et les chats de sa vieille tante. Le reste du temps, en compagnie de sa sœur, il pêche des poissons rouges dans un petit bassin près de la maison. En enfant de la ville, les vers le dégoûtent, et il préfère amorcer ses lignes avec de la mie de pain16…
Le héros de L’Immoraliste, quant à lui, a grandi dans le domaine de La Mornière, en Normandie, dont il hérite à la mort de sa mère et où il s’installe avec sa jeune épouse, Marceline, de retour de son voyage de noces. Plus que d’un jardin, il s’agit d’un domaine, où plusieurs animaux, dont chevreuils et lapins, vivent en liberté – chassés, la nuit, par le perfide Alcide, le fils du marchand de bois Heurtevent. Deux passages du texte méritent d’être cités ici : la pêche aux anguilles – où, en l’absence de Marceline, Michel se sent irrésistiblement attiré par Charles Bocage17 – et l’épisode du « poulain ». L’animal est en vérité un cheval de presque trois ans, jugé intraitable par les travailleurs au service de Michel. Mais ce dernier, avec l’aide de Charles, qui sait s’y prendre, réussit à le dresser sans trop d’effort et en fait son compagnon fidèle. Dès les premières lignes, le cheval est décrit dans toute son élégance et sa beauté, celle-ci étant le résultat d’un parfait équilibre entre instinct et raison, entre force et mesure. L’éthique à laquelle Michel aspire dans sa propre vie, une éthique « de la parfaite utilisation de soi par une intelligente contrainte », semble figurée par l’image du « poulain dompté » :
Charles emmena le poulain dans un recoin de prairie qu’ombrageait un noyer superbe et que contournait la rivière ; je m’y rendis accompagné de Marceline. C’est un de mes plus vifs souvenirs. Charles avait attaché le poulain, par une corde de quelques mètres, à un pieu solidement fiché dans le sol. Le poulain, trop nerveux, s’était, paraît-il, fougueusement débattu quelque temps ; à présent, assagi, lassé, il tournait en rond d’une façon plus calme ; son trot, d’une élasticité surprenante, était aimable à regarder et séduisait comme une danse. Charles, au centre du cercle, évitant à chaque tour la corde d’un saut brusque, l’excitait ou le calmait de la parole ; il tenait à la main un grand fouet, mais je ne le vis pas s’en servir. Tout, dans son air et dans ses gestes, par sa jeunesse et par sa joie, donnait à ce travail le bel aspect fervent du plaisir. Brusquement et je ne sais comment il enfourcha la bête ; elle avait ralenti son allure, puis s’était arrêtée ; il l’avait caressée un peu, puis soudain je le vis à cheval, sûr de lui, se maintenant à peine à sa crinière, riant, penché, prolongeant sa caresse. À peine le poulain avait-il un instant regimbé ; à présent il reprenait son trot égal, si beau, si souple, que j’enviais Charles et le lui dis18.
Comme L’Immoraliste le laisse entrevoir, la campagne est non seulement un lieu d’agrément, mais aussi de labeur. Michel possède quatre chevaux et dix vaches, ainsi qu’un domaine à administrer. Dans Les Nourritures, ce monde est peint dans le livre V dans une série de tableaux réunis sous le titre « La ferme ». Raoul Dufy, qui illustre une réédition de l’ouvrage pour Gallimard en 1950, met particulièrement l’accent sur cet aspect, notamment avec une très belle image de deux bœufs tirant la charrue.
Dans ce contexte, citons également l’exemple du Prodigue : revenu sur ses pas, il a tellement changé que son chien ne le reconnaît pas ; le soir, il écoute les inquiétudes de sa mère au sujet du Puîné, qui rentre toujours à la maison « les vêtements pleins d’odeur19 » après avoir passé ses journées avec le porcher. À vrai dire, pour Gide, il s’agit moins ici de décrire la vie à la campagne que de puiser dans ses souvenirs bibliques. Ce qui nous offre l’occasion de souligner à quel point ses lectures influencent la diversité du monde animal dans ses fictions. À côté de la Bible, les mythes représentent un réservoir inépuisable d’images : l’oiseau de Prométhée – « aigle » ou « vautour » –, les ânesses de Saül, le serpent qui mord Philoctète, ou encore le Minotaure dans Thésée. Ces quelques exemples, auxquels d’autres pourraient s’ajouter, viennent confirmer que les références aux animaux, loin d’être anodines, se greffent sur l’expérience de l’écrivain, qu’elle soit vécue ou littéraire. Ajoutons qu’elles ont un rapport étroit également avec le climat culturel ambiant, et notamment avec le symbolisme, d’un côté – mouvement par rapport auquel Gide essaie de définir sa propre poétique et qui restera toujours pour lui un horizon de référence – et le nationalisme, de l’autre.
Animaux et hommes en société
L’anecdote est connue : peu après la publication de son Voyage d’Urien, Gide va voir son protecteur admiré, Mallarmé, pour lui offrir une copie de son ouvrage. Ce dernier le regarde d’un air désarçonné : il croit qu’il s’agit du récit d’un voyage réel. Quand, quelques jours plus tard, il se rencontrent à nouveau, il lui confie, soulagé : « Ah, comme vous m’avez fait peur ! Je craignais que vous ne soyez allé là-bas pour de vrai ! » Œuvre d’un jeune auteur qui cherche encore sa voie, et qui n’est pas sûr de l’avoir trouvée dans le symbolisme, Le Voyage d’Urien s’inscrit dans la lignée des récits poétiques. L’imagination est le moteur même du récit : au cours d’une traversée de l’Océan pathétique, puis de la Mer des Sargasses, les aventures les plus incroyables se produisent. Les descriptions sont marquées par l’exotisme : corail, éponges, coquilles perlières, polypiers pâles, crabes verts, pieuvres et huîtres gisent sur le fond de la mer ; ensuite le paysage et le climat se métamorphosent, les baleines plongent devant les banquises, sur lesquelles marchent les grands rennes et les morses. En plein esprit fin de siècle, Gide décrit également des « chauves-souris léthargiques20 », qui pendent comme des fruits au fond d’une caverne ténébreuse. Sans oublier la violence descriptive de la scène où Éric (l’un des compagnons d’Urien) massacre une couvée de cygnes, allusion probable à l’œuvre du conte de Villiers de L’Isle-Adam, Le Tueur des cygnes21.
De ce point de vue, Le Voyage d’Urien annonce à bien des égards Paludes, œuvre où les références littéraires se multiplient et où les animaux jouent aussi un rôle de premier plan. Comme cela apparaît évident à la lecture, Gide se plaît à désigner les bêtes, en particulier les insectes, de leur nom scientifique, tout en prenant soin d’éviter le recours au langage courant. Ce souci d’obscurité, ce goût pour le mot rare, il le partage avec les symbolistes, souhaitant faire de la littérature un domaine accessible uniquement aux initiés. Dans la famille des scarabées, par exemple, le narrateur distingue calosomes et hydrophiles, ce qui n’est pas un détail sans importance. Mais attention, car selon une démarche qui lui est propre, Gide fait sienne cette pratique pour mieux la tourner en dérision. Voilà en effet que pour se référer à quelque chose d’assez vulgaire, comme les vers de vase, l’on recourt au latin : « lumbriculi limosi22 ». Ceux-ci prolifèrent dans l’aquarium que Tityre décide à un moment d’installer dans sa maison. Il le voudrait transparent – pour s’y refléter comme Narcisse ? – et sans vie, mais l’eau est trouble et la vase (son malgré) habitée :
Tityre achète un aquarium ; il le place au milieu de sa chambre la plus verte et se réjouit à l’idée que tout le paysage du dehors s’y retrouve. Il n’y met que de la vase et de l’eau ; en la vase est un peuple inconnu qui se débrouille et qui l’amuse ; dans cette eau toujours trouble, où l’on ne voit que ce qui vient près de la vitre, il aime qu’une alternance du soleil et d’ombre y paraisse plus jaune et plus grise – lumières qui, venues par les fentes du volet clos, la traversent. – Eaux toujours plus vivantes qu’il ne croyait23...
Cet objet – véritable motif de la littérature fin de siècle, selon le point de vue de Christian Angelet24 – contribue à décrire l’atmosphère d’enfermement, d’ennui et d’immobilité dans laquelle vivent le narrateur et les autres personnages de la sotie. Ils s’agitent dans leur petit monde – comme des « fauves prisonniers25 » dans une cage –, et ne font que tourner en rond. « Combien est petit le cercle de votre manège26 ! », s’exclame le héros en s’adressant à Roland. À ce moment du récit, il est encore convaincu de pouvoir s’évader de l’étroitesse de ses relations et de la stagnation de sa vie. Il songe à partir pour Biskra pour voir le désert et les dromadaires (ce qu’a fait Gide au cours de ses errances en Afrique du Nord). Mais de ce voyage, il n’en sera rien… Comme il n’en est rien d’un autre voyage, bien moins ambitieux, qu’il souhaite faire en compagnie d’Angèle. Le narrateur ne va pas plus loin que la gare, et que voit-il de là ? Des « chenilles processionnaires27 » descendant lentement des arbres, symbole d’une inertie sans issue.
L’ironie est sans contredit une composante essentielle du texte, qui reçoit en 1914 l’appellation de sotie. Gide tourne en dérision une certaine manière de faire de la littérature, expression d’une petite société qu’il a lui-même fréquentée : celle des cénacles symbolistes. En ce sens, Paludes ouvre la voie à d’autres œuvres de l’écrivain, où l’évocation des animaux est, de manière encore plus explicite, utile à décrire les mécanismes du vivre ensemble humain. La première, en ordre chronologique, est aussi une sotie et son héros porte le même nom. Je pense au Prométhée mal enchaîné, ou plutôt à l’« Histoire de Tityre », insérée en médaillon à la fin du texte. Il s’agit précisément du récit d’une « plante » aux « racines puissantes », qui grandit au jour le jour : celle-ci est à la fois le symbole d’une existence singulière, celle du protagoniste, et l’image d’une société entière, dont celui-ci devient le maire. Tityre ne ménage pas ses efforts pour se rendre utile aux autres, en réalisant par son dévouement à la plante l’idéal – prôné par l’écrivain nationaliste Maurice Barrès – d’une vie menée suivant ses racines28. Cela ne peut pas durer : à bout de forces, affaibli par son excès d’altruisme, il choisit de se détacher du chêne (homophone de chaîne) en tournant le dos à tout ce qui le (re)tient, « occupations, responsabilités et divers scrupules ». Mais qui sont ces « autres » que Tityre protège et ensuite décide d’abandonner pour suivre son propre chemin ?
Comme Tityre protégeait tout et travaillait à la propagation des espèces, un temps vint que les limaces se promenèrent dans les allées de son jardin en si grande abondance que, de peur d’en écraser une, il ne savait où poser pied, et finit par se résigner à moins sortir.
Tout un peuple habite la société de Tityre, humain et animal. Le premier est composé d’un comptable, d’un secrétaire, d’un médecin, d’un avocat… Toute fonction est occupée. Le second regorge de limaces, dont le rôle est foncièrement ambivalent : en même temps qu’elles retiennent Tityre, elles le freinent dans son élan, elles essaient de « sauver » le personnage d’un échec annoncé. Libéré de ses attaches, parti dans l’enthousiasme, Tityre finit en effet par se retrouver « seul complètement entouré de marais29 » (autre élément soudant le lien avec Paludes). À travers l’histoire de Tityre, qui prend significativement la forme d’un apologue, le Prométhée met en évidence une tension entre l’importance pour l’individu de s’affranchir de son milieu pour affirmer son originalité, et la peur de l’exclusion, d’une vie en dehors de la société, représentée dans le texte à travers l’image d’animaux lents et baveux infestant un espace enveloppé d’eau. Ainsi, Gide réactive le débat d’idées qui l’oppose aux nationalistes, et à Barrès en particulier, tout en lui donnant une nouvelle expression.
Rien de surprenant, donc, que quelques années plus tard, il décide d’avoir encore recours au monde animal pour nourrir sa réflexion sur l’être et l’agir au sein d’une communauté. Après avoir exploré les terrains marécageux, il ose endosser la tenue de plongée. Dans Les Caves du Vatican, le narrateur s’empresse de nous rendre familiers avec le jargon de Protos :
Un subtil, dans l’argot dont Protos et [Lafcadio] se servaient du temps qu’ils étaient en pension ensemble, un subtil, c’était un homme qui, pour quelque raison que ce fût, ne présentait pas à tous ou en tous lieux même visage. Il y avait, d’après leur classement, maintes catégories de subtils, plus ou moins élégants et louables, à quoi répondait et s’opposait l’unique grande famille des crustacés, dont les représentants, du haut en bas de l’échelle sociale, se carraient.
Nos copains tenaient pour admis ces axiomes : 1o Les subtils se reconnaissent entre eux. 2o Les crustacés ne reconnaissent pas les subtils30.
Suivant ce schéma, la société se divise en deux catégories. La première est celle des hors-la-loi, des originaux, à laquelle appartiennent les deux anciens amis. La seconde est celle à qui se rattachent trois des principaux personnages de l’œuvre (encore une sotie) – Anthime, Armand, Julius –, tous malheureux dans leurs vies, bloqués par leur carapace faite d’obligations et de conventions sociales. On le comprend mieux à la lecture de cet autre passage :
Bref, le régime des crustacés vous dégoûte ; je laisse quelque autre s’en étonner... Mais ce qui m’étonne, moi, c’est que, intelligent comme vous êtes, vous ayez cru, Cadio, qu’on pouvait si simplement que ça sortir d’une société, et sans tomber du même coup dans une autre ; ou qu’une société pouvait se passer de lois31.
Bien que différemment posée, la question reste la même : savoir trouver une forme d’équilibre entre épanouissement individuel et participation à la vie collective. Ce dilemme moral, dont les implications politiques sont bien évidentes, prend toute son ampleur dans le roman Les Faux-monnayeurs. Considérons le long discours tenu par Vincent, passionné de sciences naturelles, au chapitre XVII de la première partie. D’abord, il s’intéresse au règne végétal, avec la lutte entre bourgeons centraux et terminaux ; ensuite, il se penche sur le règne animal, avec l’opposition entre poissons sténohalins et euryhalins et la description des propriétés photogènes des poissons des grands fonds. Les trois moments peuvent se lire comme une méditation sur l’homme et ses rapports sociaux. L’influence des théories de Darwin – notamment les concepts de lutte pour la vie et d’adaptation –, est évidente : Vincent explique que dans certaines régions où, pour des raisons naturelles, l’eau de la mer est moins salée qu’elle ne devrait l’être, habitent les animaux dits euryhalins ; ceux-ci ont su s’adapter à cette condition et font des sténohalins, que ses eaux à la densité différente désorientent, leur proie préférée. Encore une fois, il s’agit pour Gide de mettre en avant la difficulté pour certains poissons/individus de s’adapter aux principes réglant la société. L’image est pourtant plus violente : on ne risque pas de simplement vivre aux marges – mais de se faire manger. Quant aux profondeurs de l’océan, où vivent des « animaux étranges », ceci mérite un discours à part : par le biais de la métaphore animale, Gide ne met pas seulement en jeu sa vision du monde, mais offre également au lecteur une clé d’accès à sa propre œuvre.
L’animal comme miroir de l’œuvre
Face à son auditoire – composé par le romancier mondain Passavant et la belle et séduisante Lilian –, Vincent continue de raconter :
La lumière du jour, vous le savez sans doute, ne pénètre pas très avant dans la mer. Ses profondeurs sont ténébreuses… abîmes immenses, que longtemps on a pu croire inhabités ; puis les dragages qu’on a tentés ont ramené de ces enfers quantité d’animaux étranges. Ces animaux étaient aveugles, pensait-on. Qu’est-il besoin du sens de la vue, dans le noir ? Évidemment, ils n’avaient point d’yeux ; ils ne pouvaient pas, ils ne devaient pas en avoir. Pourtant on les examine, et l’on constate, avec stupeur, que certains ont des yeux ; qu’ils en ont presque tous, sans compter, parfois même en sus, des antennes d’une sensibilité prodigieuse. On veut douter encore ; on s’émerveille : pourquoi des yeux, pour ne rien voir ? des yeux sensibles, mais sensibles à quoi ?… Et voici qu’on découvre enfin que chacun de ces animaux, que d’abord on voulait obscurs, émet et projette devant soi, à l’entour de soi, sa lumière. Chacun d’eux éclaire, illumine, irradie. Quand la nuit, ramenés du fond de l’abîme, on les versait sur le pont du navire, la nuit était tout éblouie. Feux mouvants, vibrants, versicolores, phares tournants, scintillements d’astres, de pierreries, dont rien, nous disent ceux qui les ont vus, ne saurait égaler la splendeur32.
Avec cette image, Gide souhaite une fois de plus mettre l’accent sur le fait que chaque être vivant possède quelque chose qui le distingue des autres. Et si ce « don » n’est pas immédiatement visible, il faut travailler avec effort à le faire ressortir, à le faire resplendir pour qu’il illumine l’existence de celui qui le possède et celle des autres. Mais l’image peut également être lue d’une autre manière, comme le fait Pierre Masson en associant l’abîme où vivent ces poissons aux « yeux sensibles » à celui de l’inconscient. D’après le critique, il y aurait donc un lien étroit entre le discours de Vincent et la seconde partie du roman, où Sophroniska – sensible aux idées de Freud – tente d’éclairer l’obscurité de Boris33. Ce qui revient à lire les considérations de Vincent au sujet des poissons des bas-fonds comme une sorte de « mise en abyme » du roman de Gide, ou du moins d’une partie de celui-ci. Cet usage du monde animal pour illustrer, faire miroiter l’œuvre, serait-il un cas unique dans la production de l’écrivain ?
Je m’aventure sur un terrain périlleux, qui demanderait une mise au point théorique pour laquelle je ne peux que renvoyer, encore une fois, au livre d’Anne Simon. Et il faudrait encore essayer de s’accorder sur ce qu’on entend par « mise en abyme34 ». Essayons plutôt de trouver un point d’appui solide à partir des éléments étudiés. Il me semble en effet que l'on puisse se tenir à ce constat : le rapport de Gide aux animaux se situe entre la faune et le bestiaire. Le cheval, les vers de vase ou les limaces existent au sein de leur milieu avec leurs particularités, observés par l’auteur et recréés dans ses textes dans toute leur réalité, mais ils sont aussi souvent des figures à déchiffrer. Il n’est plus question de concevoir l’animal en tant que porteur de qualités et (surtout) de travers humains, comme c’était le cas au Moyen-Âge. Le bestiaire se compose en raison de la valeur symbolique que celui-ci revêt au sein du texte : en cela, il est gidien – à savoir, très personnel – et foncièrement lié aux idées soulevées, pour citer Paludes, dans l’œuvre – ce qui revient à dire que le même animal ne signifie pas toujours la même chose. Mais quelle peut bien être cette valeur symbolique ? Comme on l’a vu, l’écrivain se sert des bêtes, grandes et petites, pour mettre en évidence les mécanismes de la société. Sa pensée évolue et se précise au fil du temps, de l’aquarium de Tityre aux poissons sténohalins et euryhalins, en passant par les limaces du Prométhée. À cela s’ajoute un autre aspect, rapidement évoqué au sujet des Faux-monnayeurs : le monde animal peut également être un reflet du récit lui-même. Il y a au moins deux autres exemples qui peuvent être cités dans ce contexte et ce sera également ma conclusion.
Le premier se trouve dans Paludes. Le narrateur de la sotie est, dès la première page, aux prises avec l’écriture d’un livre qui s’appelle, lui aussi, Paludes et dont Tityre serait le protagoniste. Mais les choses ne sont pas aussi simples : à chaque fois (et elles sont nombreuses) que quelqu’un demande au narrateur de lui expliquer son texte, il répond par une définition différente. La plus intéressante pour nous est celle-là : « Paludes, commençai-je aussitôt. – Monsieur, c’est l’histoire des animaux vivant dans les cavernes ténébreuses, et qui perdent la vue à force de ne pas s’en servir35. » Gide fait ici un clin d’œil à Platon et à son célèbre mythe de la caverne. Par là, il parodie, une fois de plus, les symbolistes, qui « ferment les yeux » face à la diversité du réel pour s’isoler, s’enfermer dans le monde des Idées. Il est toujours question du sens de la vue et de son utilité dans l’obscurité, comme dans l’océan de Vincent, mais la situation est radicalement différente. Dans Paludes, le narrateur se propose de décrire un comportement inexplicable – tellement inexplicable qu’il est plus humain qu’animal – et dont les conséquences sont exclusivement littéraires.
Le second exemple que je voudrais citer est celui des rats d’Anthime. Dans les premières pages des Caves du Vatican, on apprend que ce personnage a fait d’une partie de sa maison un véritable laboratoire scientifique où il aime conduire des expériences sur la « chair vive ». En particulier, comme l’explique le narrateur, il « prétend réduire en “tropismes” toute l’activité des animaux qu’il [observe] ». Dans sa vision, chaque mouvement, chaque réaction d’orientation serait l’effet d’agents physiques ou chimiques. Avec le butin rapporté par Beppo des rues de Rome, voilà comment le savant passe ses journées :
Pour servir à ses fins, pour obtenir de l’animal maté l’aveu de sa simplicité, Anthime Armand-Dubois venait d’inventer un compliqué système de boîtes à couloirs, à trappes, à labyrinthes, à compartiments contenant les uns la nourriture, les autres rien, ou quelque poudre sternutatoire, à portes de couleurs ou de formes différentes : instruments diaboliques qui tôt après firent fureur en Allemagne et qui, sous le nom de Vexierkasten, servirent à la nouvelle école psycho-physiologique à faire un pas de plus dans l’incrédulité. Et pour agir distinctement sur l’un ou l’autre sens de l’animal, sur l’une ou l’autre partie du cerveau, il aveuglait ceux-ci, assourdissait ceux-là, les châtrait, les décortiquait, les écervelait, les dépouillait de tel ou tel organe que vous eussiez juré indispensable, dont l’animal, pour l’instruction d’Anthime, se passait. […] Que toute activité entraînait une usure, il ne lui suffisait pas de l’admettre grosso modo, ni que l’animal, par le seul exercice de ses muscles ou de ses sens, dépensât. Après chaque dépense, il demandait : combien ? Et le patient exténué cherchait-il à récupérer, Anthime, au lieu de le nourrir, le pesait. L’apport de nouveaux éléments eût compliqué par trop l’expérience que voici : six rats jeûnants et ligotés entraient quotidiennement en balance ; deux aveugles, deux borgnes, deux y voyant ; de ces derniers un petit moulin mécanique fatiguait sans cesse la vue. Après cinq jours de jeûne, dans quels rapports étaient les pertes respectives ? Sur de petits tableaux ad hoc, Armand-Dubois, chaque jour, à midi, ajoutait de nouveaux chiffres triomphaux.
Anthime apparaît diabolique et impitoyable dans son rôle, au point que sa femme Véronique prend pitié de ces pauvres bêtes – « victimes d’une curiosité saugrenue36 » –, et fausse irrémédiablement les résultats de l’expérience en les nourrissant en cachette. Ses recherches sont irrémédiablement compromises, mais la colère du savant est de courte durée : miraculeusement guéri des maux qui l’affligent, Anthime se convertit au catholicisme et s’occupe au quotidien des bêtes qu’il a lui-même torturées. De manière paradoxale, son destin et celui de ses rats se ressemblent beaucoup, si l’on considère (comme le fait Julius) la conversion du franc-maçon aussi comme une forme d’aveuglement, métaphorique bien sûr :
– Oui, Julius, du temps de mes forfaits, j’avais, par vaine curiosité scientifique, aveuglé ces pauvres animaux ; j’en ai charge à présent ; ce n’est que naturel.
– Je voudrais bien que l’Église trouvât également naturel de faire pour vous ce que vous faites pour ces rats, après vous avoir aveuglé tout de même.
– Aveuglé, dites-vous ! Est-ce vous qui parlez ainsi ? Illuminé, mon frère ; illuminé.
– Je vous parle du positif37.
Il y a pourtant une autre possibilité de lecture de cet épisode. Les pages du texte dans lesquelles le travail d’Anthime est décrit peuvent être considérées comme un miroir du fonctionnement narratif des Caves du Vatican. Le pouvoir que le personnage exerce sur ses rats renverrait ainsi à la relation existante entre le narrateur et ses personnages. Anthime observe ses créatures, et de manière plus ou moins directe, les contrôle, de sorte que même si les animaux croient agir librement, leurs actions sont en réalité déterminées par le vouloir du savant. La critique a mis à plusieurs reprises en évidence le fait que les personnages de la sotie, sauf Lafcadio, apparaissent comme des marionnettes dont les fils sont manœuvrés d’en haut. Loin d’être maîtres d’eux-mêmes, ils sont ballotés dans un univers où leur chemin est déjà déterminé par quelqu’un d’autre, dont on entend la voix dans le texte. Si la métaphore théâtrale a connu un grand succès – et cela en raison de la nature même du texte38 –, l’épisode des rats d’Anthime nous semble central pour la compréhension des Caves. Aux six petites bêtes d’Anthime – regroupées en duos sur la base de leurs mutilations respectives –, correspondent les trois couples de l’histoire : Anthime et Véronique, Julius et Marguerite, Fleurissoire et Arnica. L’épisode offre à la fois le livre et le principe qui règle sa construction, celui même qui sera mis à mal par Lafcadio et son « acte gratuit ». Ce sera lui le saboteur de l’expérience, et il ne le fera certes par pitié du pauvre Fleurissoire… Quand il le rencontre, celui-ci ressemble à ses yeux moins à un rat qu’à un « tapir39 ». Une autre pièce à ajouter au bestiaire gidien, où les animaux signifient bien au-delà de leur présence, éclairant tantôt la pensée de l’auteur au sujet de questions morales et sociales, tantôt la diégèse de l’œuvre elle-même.
[1] Catherine Vincent, « Anne Simon : “Je suis traversée par ce qu’on inflige au vivant” », Le Monde, 6 septembre 2019. Voir également Denis Bertrand et Raphaël Horrein, « Entretien sur la zoopoétique avec Anne Simon. Animaux, animots : “Ce n’est pas une image !” », Fabula / Les colloques : La parole aux animaux. Conditions d’extension de l’énonciation, disponible sur le site : http://www.fabula.org/colloques/document5368.php [consulté le 30 avril 2022]. – Témoin de l’actualité du sujet, le titre du programme de l’agrégation de littérature comparée (2022-2023) : « Fictions animales ».
[2] Anne Simon, Une bête entre les lignes. Essai de zoopoétique, Marseille, Wildproject, 2021, 397 p.
[3] André Gide, Journal, t. II : 1926-1950, Paris, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1997, p. 758 (15 avril 1941).
[4] Sandra Newman, « La nature et la fonction des animaux dans le drame et la prose d’imagination d’André Gide de 1891 à 1901 », Bulletin des Amis d’André Gide, no 41, janvier 1979, p. 63-72.
[5] Victoria Reid, André Gide and Curiosity, Amsterdam, New York, Rodopi, « Faux Titre », 2009.
[6] Si le grain ne meurt [1924], Souvenirs et voyages, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2001, p. 98.
[7] Sandra Newman, op. cit., p. 66.
[8] Les Nouvelles nourritures [1935], Romans et récits, œuvres lyriques et dramatiques, t. II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2009, p. 788-789. – Une autre différence fondamentale entre l’homme et l’animal est mise en avant par Gide dans Le Prométhée mal enchaîné : « Une action gratuite ! ça ne vous dit rien, à vous ? Moi ça me paraît extraordinaire. J’ai longtemps pensé que c’était là ce qui distinguait l’homme des animaux : une action gratuite. J’appelais l’homme : l’animal capable d’une action gratuite. » (Ibid., t. I, p. 471.)
[9] La Symphonie pastorale [1919], ibid., t. II, p. 16-17. Seules quelques allusions sont faites aux oiseaux dans cet article. Pour mieux explorer cet univers, nous renvoyons au texte de Juliette Solvès dans ce même dossier.
[10] Ibid., p. 8.
[11] L’Immoraliste [1902], ibid., t. II, p. 684.
[12] Les Caves du Vatican [1914], ibid., p. 1083-1088.
[13] Paludes [1895], ibid., p. 268-269.
[14] Voir Pierre Masson, « Jardins », dans id., Jean-Michel Wittmann (éds), Dictionnaire Gide, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 205-206. Consulter également Les Jardins d’André Gide, texte de Mic Chamblas-Platon, photographies de Jean-Baptiste Leroux, Paris, Éditions du Chêne, 1998.
[15] Les Nourritures terrestres [1897], Romans et récits..., op. cit., t. I, p. 437.
[16] Isabelle [1911], ibid., p. 925-926 et Robert [1930], ibid., t. II, p. 652.
[17] L’Immoraliste, ibid., t. I, p. 635.
[18] Ibid., p. 639.
[19] Le Retour de l’enfant prodigue [1907], ibid., p. 788.
[20] Le Voyage d’Urien [1893], ibid., p. 212.
[21] Ibid., p. 219 (p. 1285 pour la note).
[22] Paludes [1895], ibid., p. 271.
[23] Ibid., p. 278.
[24] Voir Christian Angelet, "Symbolisme et invention formelle dans les premiers écrits d’André Gide : Le Traité du Narcisse, Le Voyage d’Urien, Paludes", Gent, Romanica Gandensia, 1982, p. 123-126.
[25] Paludes, op. cit., p. 266.
[26] Ibid., p. 279.
[27] Ibid., p. 306.
[28] Il faut se souvenir ici d’un des premiers articles critiques de Gide, intitulé « À propos des Déracinés de Maurice Barrès » [1898] (Essais critiques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 4-8). À l’opposé de l’écrivain nationaliste, il considère l’éducation comme « un déracinement par la tête », et croit en l’importance, pour chaque individu, de cultiver sa propre originalité (ou individualité). En 1903, le texte est republié avec quelques ajouts, qui sont à lire comme une réponse à Charles Maurras, intervenu dans la presse pour défendre le credo barrésien à travers l’exemple du « peuplier ». La polémique se poursuit et devient une véritable querelle, la « Querelle du peuplier ». À ce propos, voir Pierre Masson, « L’arbre jusqu’aux racines ou la Querelle du peuplier », BAAG, no 145, janvier 2005, p. 23-28.
[29] Pour l’ensemble de ces références, voir Le Prométhée mal enchaîné [1899], Romans et récits..., op. cit., t. I, p. 502-507. Cf. Jean-Michel Wittmann, « “Il faut porter jusqu’à la fin toutes les idées qu’on soulève.” La réécriture gidienne, des études critiques aux fictions », in Clara Debard, Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann (éds), André Gide et la réécriture, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2013, p. 267-277.
[30] Les Caves du Vatican [1914], op. cit., p. 1159.
[31] Ibid., p. 1161.
[32] Pour l’ensemble du passage en question : Les Faux-monnayeurs [1925], Romans et récits..., op. cit., t. II, p. 284-287.
[33] Le Roman somme d’André Gide. Les Faux-monnayeurs, éd. Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann, avec Aude Laferrière, Paris, PUF, 2012, p. 69.
[34] Il faut se souvenir de la définition de « mise en abyme » que Gide donne dans son Journal de 1893, en lien avec trois de ses œuvres : Les Cahiers d’André Walter, Le Traité de Narcisse et La Tentative amoureuse. À vrai dire, il s’agit plutôt d’une anti-définition – dont l’écrivain lui-même se déclare insatisfait – que la critique littéraire a eu beau jeu à réinterpréter de différentes manières (à commencer par les Nouveaux Romanciers, en passant par Lucien Dällenbach). Retenons juste ceci : la « mise en abyme » consisterait, pour l’écrivain, à reproduire à l’intérieur de l’œuvre, à une petite échelle, l’œuvre elle-même, suivant un principe appliqué en héraldique, d’où vient d’ailleurs le mot « abyme » (cf. Journal, t. I, septembre 1893, op. cit., p. 170-172).
[35] Paludes, op. cit., p. 286.
[36] Pour l’ensemble du passage en question : Les Caves du Vatican, op. cit., p. 995-1003.
[37] Ibid., p. 1081-1082.
[38] Le terme sotie, que Gide reprend du Moyen-Âge, sert à décrire un genre théâtral. Voir également ibid., p. 1129 : « Belle collection de marionnettes ; mais les fils sont trop apparents, par ma foi ! On ne croise plus dans les rues que jean-foutre et paltoquets. Est-ce le fait d’un honnête homme, Lafcadio, je vous le demande, de prendre cette farce au sérieux ? ... »
[39] Ibid., p. 1131 et 1135.