Bellême, Orne. 4 avril [sic pour mai] 1928
Cher grand ami,
Je viens de passer trois bons jours avec vous. J’ai relu Congo et Tchad. Ou plutôt j’ai lu Tchad et j’ai été si content que j’ai repris Congo, ne comprenant pas bien pourquoi, jadis, Congo m’avait un peu déçu. Eh bien, mon impression persiste en partie. Je préfère infiniment Tchad à Congo. Tchad est vraiment d’une belle coulée. On s’y attache à vous ; on s’englue comme les mouches à votre photophore ; on ne se décide pas à se déprendre de vous ! Ce livre-là exhale un parfum que je ne trouvais pas au premier. (Il semble d’ailleurs – à tort peut-être, moins écrit au jour le jour, moins fait de notes isolées – mais de notes reprises, groupées ; peut-être retravaillées ?) Certains morceaux, et ils sont fort nombreux, des pages entières de description, sont admirables, d’une langue si simple et si précise toujours, si grattée de toutes fioritures, – grattées jusqu’à l’os, dur et poli, brillant, nécessaire. Oui, j’aime beaucoup ce livre-là.
(Et j’ai lu aussi les Appendices, pour vous faire plaisir, parce que je sais que vous y attachez gentiment beaucoup d’importance. J’avais déjà lu tout cela, d’ailleurs, en dactylo. Mais, dans cinquante ans, personne ne lira plus ces appendices d’actualité et de polémique ; la cause sera gagnée. Tandis que l’attrait profond de votre journal sera aussi sensible qu’aujourd’hui.)
[...]

